Le commercial
Il ( ou elle, car ce n’est désormais plus l’apanage des mâles, même si la plupart des qualités décrites içi sont plutôt masculines) ne manque jamais de débuter ses conversations, qu’elles soient téléphoniques ou en façe à façe ; par demander de vos nouvelles.
Non qu’il ne s’en préoccupe vraiment, c’est plutôt le cadet de ses souçis, mais les esprits crédules pourraient ainsi imaginer qu’ils n’ont pas affaire à un simple vendeur, mais bien à un partenaire, une connaissance, voire un ami .
Je soupçonnerais presque certains d’entre eux de pousser le vice jusqu’à se faire des fiches sur l’identité, les loisirs, la famille de chacun de ses clients, réels ou potentiels, quitte à réviser un peu avant chaque rendez-vous, dans la voiture.
La voiture, de préférence munie de GPS et de Bluetooth, c’est d’ailleurs avec le PDA – Palm, Blackberry ou Iphone, et l’assistante, l’outil de travail principal du commercial .
Car le bon vendeur fait peu de « présentiel », il est toujours parti par monts et par vaux, de relais VRP en Hôtel « Mercure », de séminaires en « rendez-vous client »
Le commercial est, par nature, un fauve solitaire : il a beau rire avec force ostentation, des plaisanteries grasses de ses homologues, il a beau aimer échanger avec eux sur la nouvelle BM ou le nouveau « Samsung », il les méprise au fond, persuadé qu’il est qu’il demeure le meilleur, comme il n’a d’ailleurs que commisération pour ceux qui restent à l’agence, de la même manière que les navigants se gaussent des personnels au sol..
Il a certes des relations privilégiées avec sa collaboratrice, il lui arrive même de coucher avec elle, en spécialiste rompu des pensions alimentaires mais il est le plus souvent cassant, condescendant : comment voulez-vous, avec de telles équipes, réussir ses objectifs du mois.
C’est un loup solitaire, jamais pris en défaut, et à jamais responsable de rien, c’est un tueur, ou plutôt un compétiteur né . Plus que de lui permettre un salaire conséquent, les ventes réussies lui permettent d’assouvir sa quête du chiffre, c’est son moteur, son Graal, son carburant.
J’en ai personnellement croisé de toutes sortes : des débutants dans le métier, tout suant et stressé, beaucoup n’ont d’ailleurs pas fait une grande carrière ; les affectifs, voire affectueux ; les agressifs aux méthodes éhontées et éprouvées de cuisiniste, désireux de boucler l’affaire immédiatement, l’offre proposée aujourd’hui ne se renevoulant pas le lendemain. Ces derniers utilisent jusqu’à la corde les vieilles ficelles de l’appel non pas à un ami, mais bien à leur chef de vente, prêt à céder si vous cédez tout de suite, oublieux qu’ils sont qu’on ne vend pas de la même façon à une collectivité locale, une entreprise qu’à un jeune couple surendetté ou à une personne âgée dépendante.
Mais l’aristocratie de la profession, c’est dans les salons professionnels qu’on les croise.
Les collectivités locales étant jusqu’à peu de temps encore, la manne des entreprises de toute sorte, c’est bien entendu là qu’il faut être.
Le commercial, souvent un responsable régional à ce niveau, est ici en pays de connaissance : à force de courir les congrés, il connaît un peu tout le monde, tutoie à tour les bras, bises toutes les femmes, jolies ou non, copine beaucoup.
Car son arme atomique à lui, c’est la carte « Gold » : il préfére d’abord payer – restaurants, apéritifs, voire plus si affinités – à ses bonnes relations, clients, donneurs d’ordre ou leaders d’opinion non pour voir mais bien pour obtenir in fin des marchés parfois conséquents .
Car certaines élites, qu’elles soient élues, cadres supérieurs, dirigeants territoriaux ou acheteurs publics – sans verser définitivement dans la concussion ou la franche corruption (ils ont simplement accepté l’invitation à déjeuner d’un « ami ») ne répugnent pas, parfois, à franchir la ligne jaune, tant pour eux d’ailleurs que pour leur collectivité, association, entreprises..
Et les tentations ne semblent pas près de finir, d’ailleurs ; en vertu de la nouvelle doxa libérale, de nouveaux services, de nouveaux fournisseurs, y compris celles à la réputation la plus vieillotte, la plus bonhomme comme « La Poste « ou « Edf », recrutent à leur tour des nouveaux commerciaux, aux méthodes tout aussi dynamiques .
Le commercial n’est donc pas prêt, et pour longtemps encore, de devenir une espèce en voie de disparition …