Bibliothèques et cinémas

 

Depuis l’enfance, j’ai toujours vécu avec l’amour du livre, le culte de l’Ecrit . Mes premières expéditions furent, pour la bibliothèque maternelle, dans cette vieille maison de Remiremont, où ma mère avait passé son enfance, dans ce milieu féminin, conservateur et dévot qui fait la réputation de la cité .Ce fut comme un pont entre nos deux enfances, et trente ans après, un rien, quelques mots, quelques phrases suffisaient à nous faire oublier . l’ambiance poussiéreuse et surannée.

Mes lectures furent parfois acte de résistance, depuis ces années de collège où je m’asseyais,  seul, dans la cour de récréation pour m’isoler des autres et de leurs quolibets, de même, j’ai souvenir de lectures, fabuleuses car difficiles, au cours de 10 mois d’armée où pour en conjurer les moments difficiles, je crachais au visage de la médiocrité sous-officière des heures, âpres et délicates, à découvrir Céline, Giono ou Cioran pour échapper à l’engourdissement intellectuel .

 

Puis, ce fut le temps des bibliothèques : à Remiremont, tout d’abord, où la lecture des romans de gare et d ‘espionnage m’a donné mes premiers émois érotiques, mes premières érections ; puis Nancy ; où je préférais la vieille bibliothèque à l’architecture classique et aux lampes 1900, héritages du bon Stanislas à la médiathèque opulente . Dans la première, l’attente n’était pas la moindre des vertus et il fallait parfois patienter quelques dizaines de minutes pour pouvoir savourer, enfin l’ouvrage désiré.

 

Ce fut aussi, bien sûr, la bibliothèque bidermeier de l’Institut français de Vienne, là où mes escapades à travers les étagères et les craquements du bois m’ont fait tant découvrir d’auteurs, de poètes, de rêveurs ….

 
Je ne connais pas d’autres plaisirs que de musarder, de découvrir ce que l’on ne cherchait pas, un auteur que, lors d’un voyage précédent, nous avions ignoré, une écriture, enfin, qui nous enchante et nous imprègne.

 

Je ne connais rien d’autre de plus fascinant qu’un repas de bibliothécaires, lecteurs, libraires, bref, de tous ces amoureux du livre, rien de plus enflammé que ces débats autour d’une bouteille d’Apremont ou de Fitou sur les impostures littéraires de la rentrée, l’arnaque des prix littéraires ou le bonheur d’une récente lecture. Ces gens ont une passion, une flamme, bien éloignée de l’image de la vieille fille rancie que certains ignorants ont pu véhiculer .

 

 

 

Pour d’autres raisons, le cinéma fut un moment important de mon enfance et de mon adolescence. C’était un loisir plus rare ; et les premières années ; nous n’y allions qu’une ou deux fois par an, à l’occasion des traditionnels dessins animés de Noël . Puis, le plaisir du cinéma se mariait avec celui d’être suffisamment « grand » pour pouvoir y aller seul, ou accompagné des quelques camarades que j’avais, ou de mes frères. .

 

Est-ce pour effacer cette relative disette que mes années d’étudiant furent celles de la boulimie : tout, j’allais tout voir . Comédies graveleuses, vieux classiques, films d’amour et road-movies. Je hantais également le cinéma d’art et d’essai, me nourrissant de films hongrois, russes ou roumains, non par affectation intellectuelle mais par désir de départ, de goût de l’Orient. Je me souviens un peu de ces quelques chef d’œuvres oubliés : « Lioubov », « Le Chêne « , « Europa, Europa », « Taxi Blues », et bien sûr « Bleu » « Blanc » « Rouge ».

 

Plus tard encore, les films et les souvenirs se fonderaient dans la même mémoire, et autant que le film en lui-même, ce sont surtout les circonstances – unité de lieu, de temps et personnes chères à mon cœur qui m ‘accompagnaient- qui resteront irrémédiablement, automatiquement gravés. De même, j’ai longtemps conservé les tickets de cinéma pour illustrer ces souvenirs : un soir de pluie, une première sortie en amoureux ( Ms Doubtfire), un multiplexe géant, un repas qui s’éternise, une course amusée à travers le complexe ( Le Masque de Zorro), ou une séance tendue, dans Megève la bourgeoise, avant une fausse séparation ( Philadelphia) .

 

 

 

 

 

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