L'étoile

Publié le par Fred

Et voici un petit texte inspiré d'un passage de " Rien ne s'oppose à la nuit" où il est fait mention d'un petit village du Dauphiné que nous connaissons bien, et d'un de ses habitants . 

 

                                                 L’étoile

 

 

C’est vrai qu’elle était belle.  Pas de cette beauté un peu blonde, un peu grasse, un peu mal dégrossie aussi des filles des villages voisins (car il n’y en a plus guère, ici, de jeunes) mais une beauté diaphane, éloignée, presque translucide, de ces beautés qu’ont les vedettes dont se repaît la mère dans ses magazines de stars.

 

Belle, et si forte et fragile à la fois. Elle a dû en avoir des drames, des pleurs et des trahisons pour s’installer, elle la belle parisienne, dans cette maison perdue au milieu des marais.

 

Elle n’avait d’ailleurs apporté que peu de choses, dans son AMI 8 encore bringuebalante, ses enfants bien sûr, fillettes  à la chevelure de miel et au regard buté, une ou deux valises et puis son chevalet et ses peintures.

 

Elle était peintre, ou du moins s’enorgueillait-elle de l’être, et cette ambition artistique, si elle lui donnait une aura presque mystique, ne facilitait pas ses rapports avec les gens du pays. Ici, les femmes, on les souhaite travailleuses et effacées, dociles et peu bavardes, et pas altière et éthérée comme cette Mathilde.

 

Lui, François, n’en avait pas connu beaucoup, on peut même dire qu’il n’en avait connu aucune, pas même une de ces roulures que l’on rencontre parfois, les jours de marchés, dans certains bistrots du chef-lieu de canton. C’est aussi pour cela qu’il s’était tout de suite porté volontaire pour l’aider, et vite devenir indispensable aux yeux de la petite famille, leur apportant légumes et œufs, leur  refixant ici un volet, leur réparant là un robinet, Il ne savait pas qu’il devenait amoureux, l’amour, dans ces contrées mutiques, vous savez, amoureux transi et discret comme un ver de terre amoureux d’une étoile ; ce qu’il aurait pu dire qi avait lu autre chose que l’almanach, les blagues de Fafois et les récits de notre enfance. Ce n’était même pas du désir, ni même de la tendresse, mais simplement savoir qu’il comptait pour quelqu’un, qu’il n’était pas ce grand dadais habitant encore chez ses parents, ce garçon simple qui lisait peu mais qui savait compter, ce paysan mal dégrossi aux émotions de petite fille.

 

Dieu, comme il l’avait aidé lors de ces quelques semaines de séjour au pays ; il avait tant espéré en retour un geste, même pas un baiser, simplement un geste tendre ou plus tard, une lettre, un mot. Rien ! Pas même une carte de vœux. Elle connaissait pourtant son adresse, alors que lui ne savait rien d’elle, hormis bien entendu son prénom, presque aristocratique, Mathilde.....

 

Qu’était-il donc à ses yeux, aux yeux du monde, aux yeux des autres ?

 

Puisqu’il ne pouvait être, alors il allait avoir ….. Il se battrait désormais pour conserver ses biens, pour développer son trésor, pour conserver son magot.

 

Bientôt, on le nommerait l’Avare, le pénible, l’Emmerdeur, il inonderait la Mairie de lettres recommandées, il harcèlerait ses voisins de procédures coûteuses, et surtout il ne sortirait plus, il resterait cloîtré et enverrait la mère, la sœur, la bonne, aller faire les courses à la supérette du village...

 

Il oublierait alors ces semaines de Juillet, où il avait longé une route sans jamais la croiser et jamais, plus jamais, il n’ouvrirait son cœur ….

 

 

 

Publié dans Essais littéraires

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